Amadou Sène Niang, spécialiste en décentralisation dessine dans cet entretien avec Sud Quotidien, les contours de l’élection prochaine du successeur de l’ex-maire de la ville de Dakar, Khalifa Abacar Sall, révoqué par un décret présidentiel le 31 août dernier. Prenant le cas du Conseil régional de Dakar, placé sous délégation spéciale en 2008 par le président Wade, le spécialiste de la décentration met ainsi en garde tous les Conseils municipaux de Dakar contre toute tentative de blocage ou de sabotage de la session prochaine.
Le conseil municipal de la Ville de Dakar est convoqué le samedi prochain pour élire le successeur de Khalifa Ababacar Sall, révoqué par un décret présidentiel, le 31 août dernier. Quelles sont les étapes prévues à cet effet par la loi ?
L’élection du successeur de Khalifa Sall se fera dans les mêmes conditions et mêmes formes qui ont abouti à sa désignation en 2014 par les conseillers élus de la Ville. Autrement dit, le Préfet convoque le collège électoral, c’est-à-dire les conseillers élus. Tous les conseillers doivent recevoir une convocation du Préfet, y compris celui qui doit remplacer le maire révoqué. Le plus ancien des conseillers préside la réunion et le plus jeune sera désigné secrétaire de séance. Les conseillers seront appelés à élire un nouveau Maire. Il sera élu à la majorité absolue. C’est-à-dire cinquante et un (51) conseillers. Si, à la sortie de ce premier tour, la majorité absolue n’est pas atteinte, un second tour ; puis, un troisième peuvent être organisés. Cependant, à l’issue du troisième tour, si les votes ne départagent pas les candidats, la loi prévoit que le plus âgé passe.
Qui peut-être candidat ?
Tous les conseillers peuvent briguer le poste de maire y compris même le remplaçant du maire révoqué. Cependant, si au bout du processus de vote, un des adjoints au Maire est élu, son élection va créer un vide. Donc, le conseil municipal devra dans la foulée de son élection au poste de Maire, choisir un autre pour remplacer l’adjoint qui est devenu Maire. Car, la révocation du maire n’entraine pas la déchéance des autres postes du bureau municipal.
En cas de blocage de la session municipale prévue pour l’élection du maire que prévoit la loi ?
Il y a deux possibilités dont le premier est relatif à l’atteint du quorum qui est la moitié des conseillers en exercice. Je précise à ce niveau que le générique de conseillers en exercice regroupe tous les conseillers municipaux qui ne sont pas en mission de la ville à l’extérieur. Les conseillers malades ou en prison font partis des conseillers en exercice. Si Conseil municipal compte 100 conseillers et que trois soient en mission à l’extérieure, il faudra déterminer le quorum à partir de 97. Il est rare que ce cas de figure arrive, mais c’est ainsi que le prévoit la loi. Maintenant, si le quorum n’est pas atteint, le Conseil municipal sera convoqué, une seconde fois à trois jours d’intervalle. Après cette deuxième convocation, si le quorum n’est toujours pas atteint, on convoque une troisième session à laquelle, le Conseil se réunit valablement au ¼ au moins et ses délibérations sont valables. Donc, il ne devrait pas en principe se poser un problème de quorum.
La dernière possibilité est relative au blocage des trois sessions d’affilée du Conseil municipal comme c’était le cas en 2008 au Conseil régional de Dakar. Suite à la démission du président, Abdoulaye Faye, nommé par le président Wade, des candidatures se sont déclarées comme celle de Joseph Sarr, Kader Sow et moi-même. Après deux tours, l’élection a été perturbée par les partisans de Kader Sow tout simplement parce qu’ils avaient compris qu’à partir du troisième tour, c’était la majorité relative et Joseph Sarr pourrait passer. Maintenant, si un tel scénario venait de se reproduire, samedi prochain lors de l’élection du successeur de Khalifa Sall, on va certainement aller vers une délégation spéciale.
Je veux dire si, après une, deux et, trois blocages de la session du Conseil municipal, le code général des collectivités locales prévoit dans ce cas, qu’on aille vers une délégation spéciale. Car, la loi prévoit la délégation spéciale si la tenue du conseil municipal se révèle durablement impossible. Les textes n’ont pas indiqué c’est quoi «durablement» et il y a beaucoup d’écrits de la jurisprudence sur ce terme là.
Concernant le cas du Conseil régional, on est resté trois à quatre mois sans que ne conseil ne puisse trouver un remplaçant à Abdoulaye Faye. C’est ainsi que le Président Wade avait pris un décret pour dissoudre le Conseil régional et installer une délégation spéciale. Maintenant, j’espère qu’on ne va pas en arriver à cette situation à la ville de Dakar.
Personnellement, je milite pour un bon fonctionnement du Conseil municipal. Les gens doivent arrêter de faire de la politique politicienne au niveau des instances. L’Etat se doit d’aider la Ville de Dakar à réaliser ses projets, les conseillers qui sont restés à s’acquitter convenablement à la tache que leur assigne la loi pour répondre aux aspirations de la population. Il ne doit pas y avoir de tentatives de blocage, de sabotage ou d’incitation, pour arriver à une délégation spéciale. Le faire serait faussé le jeu de la démocratie et de la gouvernance locale. Les observateurs attendent, et moi j’en appelle à la vigilance de tous les élus locaux, qu’ils ne prêtent pas le flanc, car c’est possible que l’un d’entre eux, devienne le maire de Dakar.